Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/123

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est inconnue. Nietzsche devra tout d’abord reprendre cette filiation rationnelle des faits de l’esprit. Sa préoccupation sera de découvrir l’évolution de l’intelligence, comme l’avaient essayé de décrire vers le même temps Darwin et Herbert Spencer.

Ainsi tout le transformisme s’intégrera dans la doctrine schopenhauérienne. Elle appelle ce complément, en ce qu’elle ne se soutient pas sans lui, et en même temps elle semble ne pas le tolérer. Le nietzschéanisme est né de ce besoin de la doctrine, à qui l’idée évolutionniste est nécessaire ; et pourtant cette idée résorbe tout le système, dès qu’il l’a accueillie. Schopenhauer est placé devant une échelle des êtres dont la formation pour lui est une énigme. Plus bas que l’homme, en qui la volonté arrive à la conscience d’être une cause, il y a l’animal, qui lui aussi agit en vertu de mobiles, c’est-à-dire de stimulants consciemment aperçus. Plus bas que la vie animale, il y a la vie de la simple matière organique qui réagit sous les stimulants du dehors, mais de façon à choisir entre les excitations et à ne pas fournir une réaction strictement égale à l’action qu’elle subit. Plus bas encore, il y a les êtres inorganiques, le règne du mécanisme pur, où toutes les actions éveillent des réactions strictement égales. Quel rapport entre ces échelons superposés de l’être ? En tout vivant, on trouve, avec la forme de vie la plus haute qu’il ait atteinte, les formes inférieures par lesquelles il a gravi l’échelon où il s’est arrêté. Dans l’homme, à côté du vouloir conscient, il y a la simple vie animale, la vie végétative, l’existence minérale. Dans ses actes conscients les fins qu’il poursuit sont posées par un pouvoir inconscient, et ce pouvoir est la volonté. Par une analogie audacieuse, Schopenhauer croit pouvoir dire que sous toute réaction, derrière le mobile qui fait agir l’animal, derrière le mouvement que l’organique oppose au stimulant du