confidence pour de rares intimes. C’est pure expérience et confusion juvénile, si Nietzsche s’étonne de sa faible ardeur de prosélytisme. Burckhardt était une profusion vivante d’idées claires. Il débordait de raison caustique, mais cachait son sentiment. Au demeurant, il était ouvert à toute pensée, prenait de toute main, et avec reconnaissance ; il empruntait aux jeunes sans morgue et avouait sa dette sans jalousie.
L’œuvre qu’ils ont élaborée ensemble, c’est une interprétation neuve de la civilisation grecque et de toute civilisation. Peut-on saisir ce qui dans cette œuvre commune est dû à l’un ou imputable à l’autre ? Il y faudrait un petit livre. Il y a cependant des faits tangibles : constate que les plus anciens livres de Burckhardt, Die Zeit Konstantins des Grossen (1853), Der Cicerone (1855), Die Kultur der Renaissance in Italien (1860) ont agi sur Nietzsche en dernier lieu. Ne les connaissait-il pas auparavant ? Ce serait trop dire[1].
Il faut se lever et se coucher en lisant le Cicerone de Burckhardt, écrivait-il à Gersdorff en 1872. Il y a peu de livres qui stimulent autant l’imagination et qui nous préparent aussi bien à la conception artiste[2].
Mais l’action de ces livres était latente et à longue échéance, il songe surtout à l’œuvre poursuivie en commun avec Wagner ; et il faut que sa collaboration avec Burckhardt y serve. Nous possédons aujourd’hui ce Cours d’introduction aux études historiques dont Nietzsche fut l’auditeur exact, et cette conférence sur La grandeur
- ↑ On a retrouve dans la bibliothèque personnelle de Nietzsche le Cicerone et la Kultur der Renaissance in Italien, cette dernière dédicacée par Burckhardt. V. Arthur Berthold, Bücher und Wege zu Büchern, pp. 432, 434. — Nietzsche a emprunté Die Zeit Konstantins des Grossen à la, Bibliothèque de Bâle, dès le 15 février 1870. (V. Albert Lévy, Stirner et Nietzsche, p. 96.)
- ↑ Corr., I, 224.