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en histoire qui l’a tant saisi[1]. Nous possédons le grand cours sur l’Histoire de la civilisation grecque que Nietzsche entendit partiellement en 1872[2], et dont il se fit remettre, par différents étudiants, des rédactions étendues[3]. Comment reconnaître dans la trame burckhardtienne le fil des idées d’emprunt qui peuvent venir de Nietzsche ? Tout d’abord il paraît bien que la structure générale du système est toute de Burckhardt. Il parait assuré aussi que Burckhardt cite toujours ses sources, quand il emprunte. C’est par des allusions transparentes qu’il lui arrive de saluer Nietzsche au passage. Jamais il n’a parlé « de cette mystérieuse origine », qui fit naître la tragédie « de l’esprit de la musique », sans désigner en termes reconnaissables l’écrivain qui a tenté cette explication du tragique. De son côté, Nietzsche s’est surtout félicité de voir son interprétation du « phénomène dionysiaque » passer dans l’enseignement de son collègue[4]. C’est une première part que nous pouvons faire.

D’autre part la notion que Burckhardt se fait de la Grèce lui appartient en propre. Nietzsche chez qui ces idées se retrouvent, les lui doit-il ? Il en apportait à Bâle de toutes faites, où il s’émerveillait de s’accorder avec son grand aîné : ce sont surtout les idées sur les origines grecques et sur quelques puissants instincts préventifs. Longtemps peut-être Nietzsche n’a fait attention qu’à ces idées qui lui étaient d’une utilité immédiate. L’évolution grecque vers le rationalisme, que Jacob Burckhardt avait si fortement soulignée, apparut mieux à Nietzsche plus tard.

L’étude qu’il en fit a contribué à l’affranchir de

  1. Corr., I, 175.
  2. Corr., I, 210.
  3. Notamment en 1875, Corr., t. 341.
  4. Goetzendaemmerung : Was ich den Alten verdanke, § 4. (VIII, 171.)