annonce qu’il prêche une doctrine, qu’il examine un point de doctrine, qu’on lui dise donc qu’il ment et prévarique, car à vrai dire il n’examine plus rien. Il est engagé envers lui-même, il n’a plus le respect ni le sens de la vie intérieure. Des hommes se battent, parce qu’ils observent des traditions différentes touchant la commémoration d’un diner que fît le Christ. Les uns se contenteraient d’un peu de pain en souvenir de ce fait ; les autres tiennent aussi à une libation ; quelques-uns enfin veulent, par la même occasion, se laver les pieds. Que nous importe la sincérité de ces traditions, si nous vivons de la vie intérieure ? Sans doute les amis des vieilles traditions ne s’empressent pas de dire que de telles impressions intérieures peuvent venir du diable[1]. Emerson pousse à bout sa pensée : « Si je suis l’enfant du diable, je vivrai pour le diable. Aucune loi ne peut m’être sacrée que celle de mon être. Le péché, l’hérésie sont des noms ; mais ce à quoi j’applique ces noms est une réalité. Pour moi, la croyance vraie est ce qui se conforme à mon être et à ma conscience. Ce qui contrarie ma nature intime, voilà pour moi l’hétérodoxie. »
Nous donc, dit Emerson, qui connaissons le Christ et qui sommes des siens, nous tenons pour certain qu’il n’a pas songé à établir une tradition. Car la tradition est un champ de bataille, et nous savons que les hommes qui se battent ne sont pas avec le Christ. Si un homme vit avec Dieu, sa voix sera aussi douce que le murmure du ruisseau et le bruissement des blés. C’est notre pensée présente et notre contact direct avec Dieu qui nous fait juges de la divinité de ce qui fut. Pourquoi se souvenir ? Pourquoi cette adoration du passé ? L’histoire est impertinence et injure à l’égard de l’autorité souve-
- ↑ Emerson, Self-Reliance. (Essays, I, p. 60.)