poussées vers elles. Ainsi les hommes d’élite sont assis sur des bords où la vague rejette d’elle-même pour eux toutes ses richesses. Quand le sage de Younani, Goushtaps, fut envoyé pour apprécier les mérites de Zerdousht qu’on lui dénonçait, il fixa un jour où les Mobeds de tout le pays devaient se rassembler et il se mit en mesure de juger le nouveau prophète. Mais Zerdousht s’étant avancé, le juge ne trouva qu’un cri à sa vue : « Cette figure et ce maintien ne peuvent mentir[1]. » Et, le Zarathoustra de Nietzsche n’est-il pas celui sur lequel on ne peut se méprendre, le charmeur des âmes, celui dont émane une énergie magnétique qui ploie les volontés ?
Emerson, se demandant ce qu’était cette force accumulée en de certains hommes, ce qui leur donne cette ignorance de la terreur et cette assurance avec laquelle ils brisent les superstitions, cette majesté qui fascine et ce permanent bonheur qui subjugue les circonstances, répond comme fera Nietzsche : Il n’y a qu’une force et c’est la vie ; ou plutôt il n’y a qu’un pouvoir. Le fond des choses est pouvoir. La vie est recherche du pouvoir : Life is a search after power. Cela ne se traduit-il pas tout seul en langage nietzschéen : « Leben ist Wille zur Macht ? » Mais c’est une réponse métaphysique qu’il faut comprendre. Elle suppose une certaine vue sur la constitution de l’univers. Elle insinue que la force géniale est une participation à l’essence profonde du monde. Il y a des esprits qui vont d’une marche parallèle aux lois de la nature, ils sont portés par les événements. C’est donc que la force des choses naturelles est en eux. Ils sont faits de l’étoffe même des événements et se trouvent en sympathie avec le cours des choses ;
- ↑ Emerson, Character. (Essays, II, p. 92.)