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LE MILIEU HELVÉTIQUE

corrigé et rajeuni par le renom de ses grands mathématiciens du xviie et du xviiie.

La dynastie des Bernoulli, dont l’aïeul était venu d’Anvers pour échapper au duc d’Albe, avait introduit un sévère et audacieux esprit spéculatif. Le calcul infinitésimal de Newton et de Leibniz a été vulgarisé en Europe surtout par eux. Jacques I Bernoulli (1654-1705) en avait découvert de difficiles applications géométriques et mécaniques. Jean I Bernoulli, son frère (1667-1748), en avait apporté l’enseignement à Paris, chez le mathématicien de l’Hospital, en un temps (1690) où tout le monde y était encore étranger à cette science nouvelle[1] ; et il y avait ajouté depuis la grande découverte du calcul intégral. Daniel Bernoulli (1700-1782), fils de Jean, avait enseigné cinquante ans à Bâle ; et l’Université de sa ville natale lui devait le lustre des plus beaux travaux de physique mathématique et d’astronomie qui aient signalé son siècle. Son frère Jean II Bernoulli (1710-1790) avait été l’ami estimé des astronomes Maupertuis et Lalande autant que des philosophes réformateurs Condorcet et de La Rochefoucauld-Liancourt. Pendant trois générations toutes les Universités du monde demandèrent à cette grande école bâloise leurs mathématiciens. Il y en eut, comme Euler et Daniel II Bernoulli, qui allèrent enseigner jusqu’à Saint-Pétersbourg. Par ces hommes la grande bourgeoisie de Bâle était entrée dans la gloire européenne. Elle ne l’a jamais oublié. Comme on devenait membre du Grand Conseil, ou magistrat, par tradition de famille ou par besoin de considération, on allait enseigner à l’Université. La vieille institution, célèbre malgré sa petitesse, avait été réorganisée à fond en 1833. On travailla d’un cœur

  1. V. Die Selbstbiographie von Johannes Bernoulli I édité par C.-A. Bernoulli, Bâle, 1907, p. 5.