Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, II.djvu/153

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d’avoir gagné tardivement un pécheur endurci que de ses plus glorieuses et de ses premières conquêtes.

Il te sera difficile de trouver un homme qui ait autant que moi l’expérience des conversions et qui ait autant aimeé dans les autres l’enthousiasme de la foi nouvelle[1].

Il lui arrivait alors de lui confier ses projets, inspirés de la grande révélation de Tribschen. Il mit à sa disposition toutes ses relations avec l’aristocratie russe pour lui trouver le préceptorat qui lui donna le loisir scientifique, et lui permit ces études de sanscrit où Deussen s’est fait depuis un nom si honorable[2]. Mais Deussen s’en alla, lui aussi. Il a revu Nietzsche deux courtes heures, une nuit de septembre 1871 et quelques jours à Bâle en 1872. Il l’a connu en pleine époque combative et a recueilli ses premières confidences sur les Présocratiques et sur cette culture latine, représentée par Cicéron et au sujet de laquelle Nietzsche se fait, vers 1872, une opinion si nouvelle. Séjournant à Genève, à Aix-la-Chapelle, en Russie, il disparut de l’intimité de Nietzsche, sinon de son horizon intellectuel. Nietzsche est redevable à Deussen d’une part de son érudition indoue.

L’homme, lui avait écrit un jour Nietzsche, dans toutes les choses graves est si mesure à lui-même ; et une amitié, c’est deux Âmes et une même mesure[3].

Ce sera toujours l’honneur de cet homme distingué d’avoir compté parmi ceux dont Nietzsche a pu croire que la mesure à laquelle ils jugeaient la vie et le monde était entre eux commune.

  1. P. Deussen, Erinnerungen, p. 75.
  2. Le détail de cette négociation est relaté dans Deussen, p. 81 sq. — Bernoulli, Franz Overbeck, l, p. 110 sq.
  3. Corr., II 68.