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cement ? Que Knig envoie une composition de lui, « méditation d’une noble pensée et travail d’un excellent musicien »[1] ; ou que Nietzsche lui adresse ses derniers livres, il ne saura jamais si ces pamphlets atteignent son ami dans la disposition d’âme qui était la sienne[2] ; et les sympathies wagnériennes communes, les rencontres à Bayreuth ne suffisaient pas à sceller une alliance pour cette lutte où Nietzsche s’engageait d’un cœur un peu plus meurtri chaque jour, mais stoïque.


I

paul deussen


Nietzsche écrivait, dès 1869, à Paul Deussen, son camarade si intime de Pforta et de Bonn : « Je ne peux plus me représenter ta personne[3]. » Pourtant, il continuait à le semoncer, à le surveiller de loin jusque dans ses fréquentations ; à le louer de sa tendresse fidèle, à l’encourager, un peu de haut, dans la tâche de l’enseignement secondaire auquel Deussen se vouait. Au demeurant, Nietzsche était heureux de sa conversion au schopenhauérisme où il voyait une victoire personnelle, et qu’il voulait seulement plus spontanée, plus dictée par le cœur et moins par l’intelligence. Puis quand il découvrit en Deussen la maturité nouvelle qu’il exigeait de tous ses amis, le détachement, le goût de la solitude et cette grande compassion qui pleure en silence sur la détresse des hommes, il alla au-devant de lui dans une affection approfondie, un peu comme un évêque, plus fier

  1. Corr., I, 438.
  2. Ibid., I, 241, 290.
  3. P. Deussen, Erinnerungen, p. 66.