Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, II.djvu/187

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tyrannisait lourdement, il la hèle[1]. Il ne se lasse pas d’échafauder des projets. Ses invitations bâloises, qu’il évite souvent, il les énumère cependant dans tout leur éclat, pour aguicher la jeune fille qui serait tentée de préférer Leipzig à Bâle. Ce ne sont que réceptions chez le Ratsherr Wilhelm Vischer, chez les Vischer « de la maison bleue » ; dîners chez les Vischer-Heusler ; soirées brillantes chez le juriste Bachofen, chez les Stähelin-Buckner, chez les Thurneysen-Merian, puis chez Georg Fürstenberger et les La Roche-Burckhardt. Le cousinage compliqué du patriciat bâlois se débrouillait pour Nietzsche. Il savait le classement social que décelaient ces somptueux noms composés des dynasties bourgeoises. Il les voyait se former comme des noms grecs, à mesure qu’un Vischer épousait une Sarrasin ou qu’un Bischoff obtenait une Fürstenberger. Il faisait alors à sa sœur le récit des agapes, des fêtes de famille où il assistait et où, plus d’une fois, on le comblait de cadeaux comme un fils et un vieil ami. Il essayait ainsi de presser sa décision. Des confidences plus graves sur ses livres, ses succès, ses luttes, ses visites à Tribschen initiaient la jeune fille à l’essentiel de sa vie. La décision de Lisbeth fut imposée, sans tarder, par la maladie de Nietzsche.

  1. Corr., V, 153, 154, 159.