il pas eu un idéal de la femme ? Et s’il a cru, au moins une fois, reconnaître Diotime, comment, en bon platonicien, n’aurait-il pas été ébloui ? Cela rapproche de nous l’ascète irréprochable. Je n’ai pas eu le mérite de deviner l’énigme que recouvre, dans les écrits de Nietzsche, l’allégorie d’Ariane, mais j’ai pu détailler mieux ce roman douloureux ; et on n’empiète pas sur de l’invraisemblable, on est autorisé par les textes les plus sûrs, quand on soutient que ce roman sanglote encore dans le Zarathustra.
Enfin, la pensée de Nietzsche choisit les admirables refuges où il a abrité sa digne et pauvre vie ; et là encore ses aversions ou ses préférences révèlent sa personne.
« Il y a des paysages, disait-il, que nous reconnaissons, quand nous les voyons pour la première fois. »
Il veut dire qu’un puissant et mystérieux sentiment nous
avertit qu’ils étaient dessinés en nous invisiblement. Ils n’arrêteraient même pas notre regard sans cette réminiscence platonicienne, qui les retrouve en nous, alors qu’ils n’avaient jamais
surgi à nos yeux. C’est pourquoi j’ai dû suivre Nietzsche à
la trace sur la corniche de la Riviera génoise, sur les sentiers
qui gravissent les collines d’Èze, près de Nice, ou qui longent
les eaux du lac de Silvaplana, dans l’Engadine. Car si
Nietzsche y a été surpris par la pensée du Zarathustra, c’est
qu’elle était comme préfigurée dans les parois de roches ou
flottait dans la houle légère des vagues méditerranéennes.
III. — Quelle est donc cette pensée, par laquelle celui qui la porte en lui est enfermé dans une « septuple solitude » ? Le vieux tourment platonicien y est reconnaissable; et il faudra à Nietzsche vingt-cinq ans de philosophie pour le traduire :