Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, II.djvu/34

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représentait une grande universalité de sciences. Car ces Saxons, depuis la Renaissance, comptent de prodigieux érudits. Pas de cerveau meublé d’une information plus immense que celui d’un Leibniz. Pufendorf et Thomasius avaient été un temps les esprits dirigeants de l’Europe juridique. S’il y a un « maître d’école prussien », à qui l’Allemagne est redevable de grandes destinées, il y a eu un maître d’école saxon aussi, non moins ambitieux et agissant, et qui mettait un savoir solide au service d’un prosélytisme militant.

En Thuringe, a dit Nietzsche, « on a affaire aux instituteurs de l’Allemagne, au bon et au mauvais sens ». Un peu de pédantisme ne les quitte pas, même s’ils sont artistes. Lessing est novateur certes : mais il succombe sous le bagage archéologique. Comme il écrase, sous les autorités d’érudition, le naïf La Fontaine et l’ingénu Corneille ! Ils ne sont pas légers, les impedimenta devant lesquels il déploie la ligne mobile de ses arguments logiques, dans le Laokoon ! Ajoutons pourtant que ces hommes, malgré leur zèle didactique, ne sont pas oublieux d’art. L’Université d’Iéna, à la fin du xviiie siècle, représente à merveille leur culture, où l’érudition s’imprègne de l’humanisme artiste créé par un Gœthe et un Schiller, et a su s’élever aussi à la philosophie critique nouvelle, en accueillant Reinhold et Fichte, puis bientôt Schelling et Fries. Mais, en bonne Université saxonne, elle a toujours voulu combattre pour la foi et pour la patrie. N’est-ce pas Iéna qui fut le berceau de cette Burschenschaft par laquelle fut propagée dans la jeunesse studieuse l’idée d’une Allemagne une dans la liberté ?

À côté de ces symptômes de la vigueur qui subsiste dans cette Saxe trop oubliée, d’autres signes attestent une culture plus raffinée et plus complexe qu’en d’autres régions allemandes. Réformateurs violents dans les