grandes choses, les Saxons se montrent, dans les menues jouissances intellectuelles, de subtils novateurs du goût. Leur sensibilité est universelle comme leur savoir. C’est le pays où Leibniz inventa la monadologie. Jusque dans l’infiniment petit de l’inorganique, sa pensée voyait s’allumer une lumière de conscience, et dans l’âme la plus humble un reflet lointain et presque inaperçu, qui en émouvait les profondeurs obscures et représentait une image confuse, mais totale, de l’univers. À l’infini se nuançaient ainsi les perceptions, dont le jeu s’agençait dans une grande « harmonie préétablie ». Une grande vie divine baignait toutes ces âmes et les portait en elle : Admirable façon de dire le sentiment symphonique puissant que Leibniz avait de la vie universelle et de sa vie propre.
Ce sentiment complexe renaissait plus fort que jamais en ces Saxons de Thuringe, au moment où se dessinait le courant romantique de 1800. Pour Novalis, il y a des traces de sensibilité jusque dans la matière inanimée. Le magnétisme et l’électricité montrent les formes de cette réaction sensible dans les plus inertes métaux. Mais c’est un galvanisme encore que la pensée humaine, une vibration propagée en nous par une force étrangère, par « le contact de l’esprit terrestre avec un esprit céleste et extra-terrestre » ; et toute la vie de notre âme devient ainsi chatoiement coloré, où se réfracte une lumière lointaine, venue de la source des mondes. Tout l’effort de l’art et de la morale devra tendre à rétablir par une collaboration concertée des âmes l’unité pure de cette lumière éparse en reflets multiples. Quelle façon plus claire de dire que ce sentiment de la vie intérieure est, en son fond, chez Novalis, le goût de ses nuances dégradées, que la sensibilité à la fois distingue et fond, et sur lesquelles elle glisse comme sur un clavier de lumière ?
Il semble bien qu’on n’ait pas eu tort de noter chez les