ville, bâtie au xvie siècle et remaniée au xviiie. Il faut avoir pour ces détails le regard que Nietzsche jetait sur la jeunesse de Gœthe. « L’âme conservatrice et respectueuse d’un homme attaché à l’antiquité passe dans ces choses et s’y prépare un nid discret. L’histoire de sa ville devient sa propre histoire[1]. » Quatre femmes en deuil, l’aïeule, Mme Nietzsche-Krause, et les deux tantes Augusta et Rosalie Nietzsche, enfin la jeune veuve, Franzisca Nietzsche-Oehler essayèrent de vivre dans la même maison. Elles se dévouèrent toutes à l’éducation de ces deux enfants, Friedrich et Lisbeth. De fréquents séjours à Pobles, chez le grand-père Oehler, mitigeaient la dureté d’une trop subite transplantation à la ville. Plus tard, le besoin d’indépendance de Mme Franzisca Nietzsche se fit plus impérieux : et elle loua pour elle seule la maisonnette où elle vieillit et dont le jardin avait des allées si ombreuses.
Friedrich Nietzsche a grandi là, entre ses jeux et ses premières tâches d’écolier. Il fut un enfant taciturne, d’un maintien grave et de manières distinguées[2]. Car une ombre de mélancolie planait, depuis la mort du père, sur cette enfance qui aurait pu être si heureuse. Cette sagesse d’enfant en deuil, traversée de courtes, mais violentes explosions passionnées, était au ton de la vieille petite ville loyaliste où de nombreux fonctionnaires retraités entretenaient le respect des formes compassées. Friedrich Nietzsche fut réfléchi, loyal et droit, comme ce père qu’on pleurait autour de lui, et auquel il aurait tant voulu ressembler. Il accomplissait ponctuellement tous les devoirs une fois acceptés. On le vit rentrer de l’école primaire à pas mesurés sous la pluie torrentielle ; et, aux reproches de sa mère, il objecta que le règlement scolaire prescrivait