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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, II.djvu/48

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aux élèves de quitter l’école sans course désordonnée[1].

Nul camarade n’eût osé prononcer devant lui une parole grossière. Son regard tranquille et méprisant les paralysait. Ses grands yeux profonds étaient chargés d’une pensée qui mûrissait. Surtout il était sans replis. Un Nietzsche, qui se croyait descendant de comtes polonais, avait-il le droit de mentir[2] ? Ce fut la première forme ingénue que prit dans ce cœur d’enfant la doctrine de l’héroïsme de la vérité. Il était d’une sévérité et d’une sincérité outrée avec lui-même. Un jour, pour une quête en faveur de quelque mission, il voulut apporter son offrande. Il se sépara aisément d’une boite de soldats de plomb et d’un livre d’images ; sa sœur, avec plus de douleur, d’une poupée. Friedrich eut des remords parce qu’il n’avait pas donné « sa cavalerie, ses régiments les plus beaux et les plus chers »[3]. Seul le sacrifice le plus lourd est probant. Ainsi plus tard a-t-il de préférence fait à sa vocation les sacrifices les plus difficiles.

Si délicat qu’il fût de sensibilité, il ne faut pourtant pas se le représenter frêle au physique. Il était de taille moyenne, mais ramassée et solide, haut en couleur, grand marcheur ; il excellait à la nage, au patinage. Il est resté très longtemps très enfant. Il a pu regretter que Richard Wagner n’ait pas eu une enfance naïve. Il a reproché plus tard aux temps modernes de dessécher l’ingénuité surtout chez les enfants précoces et bien doués. « L’enfant est innocence et oubli, recommencement, puis affirmation sacrée de la vie. » L’enfance de Nietzsche fut telle. Jamais écolier ne s’attarda plus longtemps à des jeux plus simples. Mme Foerster les relate avec un soin tendre dont elle s’excuse. Un commentaire ingénieux[4] a dit l’importance

  1. E. Foerster, I, p. 31.
  2. Ibid., I, p. 84.
  3. Ibid., I, p.
  4. Karl Joël, Nietzsche und die Homantik, pp. 78, 348, 349.