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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/179

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Ce message commandait une attitude de l’homme conforme à la révélation qui lui était faite. Toute une morale de pureté et d’héroïsme s’en dégageait. Mais une action de l’homme sur l’univers tragique dont il est entouré, suppose que nous sachions la structure de cet univers. L’œuvre d’art nous révèle d’abord la morale et nous oblige ensuite à nous rendre compte de la connaissance. La philosophie de Nietzsche est remontée de condition en condition. Puis, il lui faut redescendre par un chemin inverse jusqu’au point de départ. Il lui faut, par une marche progressive, établir ce qu’il y a de réel dans le connaissable, dans l’action morale et enfin dans l’art. Alors seulement notre expérience intérieure sera intelligible. Car nous découvrirons que la connaissance, la morale, l’art ne nous offrent sans doute que des images illusoires, mais enfantées par de profonds besoins ; et que notre salut est attaché à ces illusions nécessaires.


I. — L’illusion de la connaissance.


L’attitude où Nietzsche prend l’homme est celle où le voit Pascal, « sans lumière, abandonné à lui-même et comme égaré dans ce recoin de l’univers » [1]. Devant la « petite durée de sa vie absorbée dans l’éternité précédant et suivant », Pascal s’angoissait [2] :

Car je voudrais bien savoir, ajoutait- il, d’où cet animal qui se reconnaît si faible, a le droit de mesurer la miséricorde de Dieu [3].


En termes presque semblables, Nietzsche s’émerveille « de ces animaux qui, dans un coin perdu du système

  1. Pascal, Pensées, Éd. Havet, XI, 8 ; et nos Précurseurs de Nietzsche, p. 174.
  2. Ibid., XXV, 16.
  3. Ibid., XII, 9.