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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/252

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propres sur les choses du monde et de l’âme [1]. Jamais mentalité de peuple, Nietzsche le croit fermement, ne se montra liée à l’esprit grec par une plus pure nostalgie et par une affinité plus réelle [2]. Ces qualités, jointes à la tenace bravoure que le soldat allemand a montrée dans la guerre de 1870, sont aussi le gage de la grande espérance que Nietzsche a partagée avec Richard Wagner, celle d’une civilisation humaine [3]. Aujourd’hui cette bravoure et cette ténacité semblent comme reprises d’hésitation. C’est qu’on ne leur a pas désigné l’ennemi. L’âme de l’Allemagne se recueille ou est dévoyée par des dirigeants corrompus. Le dévouement allemand, trop capable de discipline, s’égare. Parmi les vertus nécessaires à fonder la civilisation nouvelle, il prise surtout l’obéissance volontaire, et cette admirable abnégation qui suit les chefs dans la mort. Mais ses chefs furent coupables. L’actualité, la mode, l’opinion mènent en laisse le peuple héroïque [4]. Ainsi il emprunte de toutes mains, non pas avec cet esprit de lucide plasticité qui permet aux Grecs de marquer d’une empreinte originale tous leurs emprunts. Des oripeaux mal cousus font le manteau de la culture prétendue allemande. Une promenade à travers les rues d’une ville allemande, un regard jeté dans un intérieur, dans un magasin allemand, une visite aux théâtres, aux concerts, aux Académies, aux Universités même, révèlent une variété foraine d’objets que l’on s’approprie sans talent. Cet amoncellement bariolé de couleurs, de formes, de denrées, de produits, recueillis dans tous les temps et dans toutes les zones, satisfait mal une curiosité prétentieuse et blasée.

  1. Ueber die Zukunft unserer Bildungsanstalten. (W., IX, 350.)
  2. Ibid. (W. IX, 374.)
  3. Ibid. (W., IX. 143, 350, 374.)
  4. David Strauss, der Bekenner, posth., § 24. (W., X, 277.) — Schopenhauer als Erzieher, § 6. (W., I, 449, 450.)