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CONCLUSION




La recherche commencée entre 1869 et 1876, par Nietzsche, s’est trouvée d’une importance infinie. En un temps où la philosophie française se desséchait en de rigoureuses analyses logiques sur le fondement de l’induction, sur la structure du syllogisme ou sur les rapports de l’infini et de la quantité, ce jeune et fougueux génie allemand reprenait seul une tradition qui avait été française à l’époque de Voltaire, de Diderot et de Rousseau et qui s’était prolongée jusqu’à Stendhal. Il concevait la philosophie comme faisant partie intégrante d’une civilisation. Elle en exprimait le grand cri profond et le besoin. Elle devait lui servir de guide et de remède.

Rousseau, au xviiie siècle, était entré dans cette recherche par des procédés de pure analyse cartésienne. Il avait isolé dans sa pensée l’état de nature et l’état de culture. Il les avait réduits chacun à sa notion pure, irréductible. Il avait opposé l’une à l’autre ces deux notions et, de leur antagonisme, tiré le plan d’une éducation et d’une politique qui ramèneraient la culture à la nature. Ainsi la philosophie française de Descartes à l’école cousinienne avait opposé les concepts purs de l’étendue et de la pensée, du corps et de l’âme ; et n’avait considéré leur union que comme une union de fait provisoire, qui était la loi de la vie terrestre de l’homme