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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/381

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avaient une sensibilité, c’est-à-dire de façon à subir le minimum de chocs[1]. La mécanique ne pouvait expliquer ce fait. Une hypothèse métaphysique en rend compte, La douleur et la joie existent dans le moindre atome. La volonté et l’intelligence, non pas par nappes continues, mais poudroyantes en des milliards de foyers, remplissent les mondes. Inutile alors de supputer si le mal l’emporte, si la douleur foisonne, ou si l’intelligence, le grand dissolvant qui apaise tout, aura raison du tourment. La tendance profonde de tous les êtres travaille à éliminer la détresse. Si un mécanisme, si un corps vivant sont des alambics montés pour extraire du monde de la joie, la fontaine du bonheur ruisselle dans toutes les consciences ; et toutes les âmes heureuses glorifient l’univers.

Ce nouveau symbole n’apporte pas qu’une image de plus. Il ouvre une nouvelle méthode. Après le grand élan du début, qui se jetait en vol plané à travers les nuées, voici une autre voie : Le secret du génie et de toute grandeur est dans la vie ; il faut donc scruter la vie et la matière. Pour la première fois, une métaphysique naîtra de la science par induction.

Ainsi on devine que, par delà la conception naturaliste, un intellectualisme nouveau revendiquera sa part. Et aussi bien s’installe-t-il déjà au cœur des choses. Ce n’est pas seulement un héritage schopenhauérien, chez Nietzsche, que sa préoccupation de la volonté. Dans tous les problèmes de la psychologie, celui de la volonté recèle l’inconnue la plus cachée. Voilà Nietzsche obligé de la dégager. Il en dépend, avec l’avenir de la vie de l’esprit, la dignité même de la personne.

L’intellectualisme pur de Spinoza et de Fichte avait engendré le déterminisme. Le volontarisme de Scho-

  1. V. La Jeunesse de Nietzsche, p. 318 sq.