CHAPITRE III
LA QUERELLE SUR LA TRAGÉDIE GRECQUE
eut-être, suffit-il d’avoir signalé la formule où aboutit
le projet de la réforme nietzschéenne de la tragédie
pour faire apercevoir aussi le sophisme historique
où Nietzsche s’enfonçait. Quelle improbabilité que l’idée
de Schiller, sur l’ « idylle héroïque » toute moderne et
savante, issue enfin d’un art décoratif d’essence poussinienne,
pût traduire l’esprit de la tragédie grecque la
plus ancienne ?
Il faut donc accorder sans phrases que Wilamowitz met à nu le défaut foncier du livre de Nietzsche. La doctrine wagnérienne sur le rôle privilégié de la musique ; la doctrine schopenhauérienne sur la primauté du vouloir, ce sont là les composantes principales ou les plus visibles du livre sur la tragédie : Wilamowitz les discerne très nettement. Le postulat tacite de Nietzsche est que ces affirmations, où se cristallise pour un temps la pensée allemande du xixe siècle, sont des vérités éternelles. Elles doivent donc être vraies aussi des Grecs ; et la musique grecque a dû glorifier la douleur intérieure des mondes, parce que telle est, selon Nietzsche, la fonction de toute musique. Ici, l’érudition historique a dû