Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/105

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était important, digne d’être bien fait.

Et il faisait tout bien : il dirigeait admirablement les bateaux à voile, il tirait avec précision. Il était fidèle en amitié comme en amour et avait une confiance inébranlable en la « parole d’honneur ». Ses camarades assuraient en riant que si un espion avéré eût juré à Serge qu’il n’espionnait pas, Serge l’aurait cru et lui aurait serré la main. Un seul défaut : il croyait bien chanter, alors qu’il chantait atrocement faux, même les hymnes révolutionnaires. Il se fâchait quand on riait de lui.

— Ou bien c’est vous qui êtes tous des ânes, ou bien c’est moi ! disait-il d’une voix grave et offensée.

Et après un instant de réflexion, les camarades déclaraient, d’un ton tout aussi sérieux :

— C’est toi qui es un âne. On le devine à ta voix !

Et comme c’est parfois le cas pour les braves gens, on l’aimait peut-être plus pour ses travers que pour ses qualités.