Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/106

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Il pensait si peu à la mort, il la craignait si peu, que le matin fatal, avant de quitter le logis de Tania Kovaltchouk, lui seul avait déjeuné avec appétit, comme d’habitude. Il avait pris deux verres de thé mêlé de lait et mangé tout un pain de deux sous. Puis, regardant avec tristesse le pain intact de Werner :

— Pourquoi ne manges-tu pas ? lui dit-il. Mange, il faut prendre des forces !

— Je n’ai pas faim.

— Hé bien, c’est moi qui mangerai ton pain ! Veux-tu ?

— Quel appétit tu as, Serge !

En guise de réponse, Serge se mit à chanter, la bouche pleine, d’une voix sourde et fausse :

Un vent hostile a soufflé sur nos têtes.

Après l’arrestation, Serge eut un moment de tristesse ; le plan avait été mal combiné. Mais il se dit : « Maintenant, il y a quelque chose d’autre qu’il faut bien faire : c’est mourir. » Et sa gaieté revint. Dès le second