Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/108

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nait plus intense et plus prolongée. Elle commençait déjà à prendre les contours vagues d’une angoisse insupportable.

« Est-il possible que j’aie peur ! pensa Serge avec étonnement. Quelle bêtise ! »

Ce n’était pas lui qui avait peur, c’était son jeune corps robuste que ni la gymnastique de Muller, ni les douches froides ne parvenaient à tromper. Plus il devenait fort et frais après les ablutions d’eau froide, plus la sensation de peur éphémère devenait aiguë et insupportable. Et c’était le matin, après le sommeil profond et les exercices physiques, que cette peur atroce, comme étrangère, apparaissait, juste au moment où, naguère, il avait tout particulièrement conscience de sa force et de sa joie de Vivre. Il s’en aperçut et se dit :

« Tu es bête, mon ami. Pour que le corps meure plus facilement, il faut l’affaiblir et non pas le fortifier. »

Il renonça dès lors à la gymnastique et aux massages. Et pour expliquer cette volte-face, il cria au soldat :