Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/130

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veau le frappa. Il lui sembla suivre un sentier étroit comme le tranchant d’une lame sur la crête de la plus haute montagne. D’un côté, il voyait la vie, et de l’autre, il voyait la mort ; elles étaient comme deux mers profondes, étincelantes et belles, confondues à l’horizon en une seule étendue infinie.

— Qu’est-ce donc ?… Quel spectacle divin ! dit-il lentement.

Il se leva involontairement et se redressa, comme s’il eût été en présence de l’Être suprême. Et, anéantissant les murailles, l’espace et le temps, par la force de son regard qui pénétrait tout, il plongea les yeux au plus profond de la vie qu’il avait quittée.

Et la vie prit un aspect nouveau. Il n’essaya plus de traduire en paroles ce qu’il voyait, comme autrefois ; d’ailleurs, il ne trouvait pas de mots adéquats dans tout le langage humain, encore si pauvre, si avare. Les choses mesquines, malpropres et mauvaises, qui lui suggéraient du mépris et même parfois du dégoût à la vue des hommes, avaient complètement disparu.