Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/144

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ner, lui soufflait sans cesse au visage une haleine puant l’ail et le tabac. Mais l’air vif et frais arrivait par des fentes, et l’on sentait la présence du printemps, dans la petite boîte mouvante, avec plus de force encore que dehors. Le véhicule tournait tantôt à droite, tantôt à gauche ; parfois, il semblait retourner en arrière. Par moments, il paraissait aux prisonniers qu’ils viraient en rond depuis des heures. D’abord, la lumière bleuâtre de l’électricité se glissait entre les épais rideaux baissés ; puis soudain, après un tournant, l’obscurité se fit ; ce fut à cet indice que les voyageurs devinèrent qu’ils étaient arrivés dans les faubourgs et s’approchaient de la gare de S… Parfois, à un contour brusque, le genou plié et vivant de Werner frôlait amicalement le genou plié et vivant du gendarme, et il était difficile de croire au supplice prochain.

— Où allons-nous ? demanda soudain Ianson. La trépidation continue et prolongée de la sombre voiture lui donnait le vertige et un peu de nausée.