Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/161

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— Ce n’est pas loin, répondit une voix insouciante.

Sans rien dire, on avançait dans la forêt, le long d’un chemin boueux et humide. Les pieds glissaient, s’enfonçaient dans la neige, et les mains s’accrochaient parfois involontairement à celles des camarades. Respirant avec peine, les soldats marchaient en file, de chaque côté des condamnés. Une voix irritée prononça :

— Ne pouvait-on tracer le chemin ? On a peine à avancer.

— On a bien nettoyé, Votre Noblesse, mais c’est le dégel. Il n’y a rien à faire.

Chez les condamnés la conscience revenait, mais partielle. Tantôt la pensée semblait affirmer : « C’est vrai, on ne pouvait pas nettoyer le chemin », tantôt elle s’obscurcissait de nouveau et il ne restait que l’odorat qui percevait avec une acuité singulière la senteur forte et saine de la forêt ; tantôt encore tout devenait très clair, très compréhensible, et la forêt, et la nuit, et le chemin… et la certitude que tout à l’heure,