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LA VIE D’UN POPE

Le pope dut se pencher très bas pour entendre la confession du cul-de-jatte ; et, dans la puanteur manifeste de ce corps mutilé, dans le fourmillement des insectes qui grouillaient sur cette tête, il entrevit soudain l’inexprimable et troublante misère de cette âme estropiée, elle aussi ; il comprit avec une inexorable lucidité que cet homme était irrémédiablement privé de tout ce qui est humain, bien qu’il y eût le même droit que les rois sur leur trône, que les saints dans leurs cellules. Et il frissonna.

— Allons ! va, dit-il, Dieu te remet tes péchés.

— Attendez, j’en ai encore à dire ! croassa le mendiant.

Et, levant vers le pope son visage qui s’empourpra, il raconta comment, dix ans auparavant, il avait violé, dans le bois, une fillette déjà grande et lui avait donné trois kopecks pour l’empêcher de pleurer ; mais ensuite, il avait regretté son argent, et l’avait étranglée et si bien enfouie qu’on ne l’avait jamais retrouvée.