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LA VIE D’UN POPE

tendue, puis on pensait involontairement au pope, sans savoir pourquoi, ni ce qu’on avait à craindre de lui.

Quand le père Vassili s’en allait à la panikhide[1] pâle, épuisé par on ne sait quelle obscure songerie, mais cependant joyeux et souriant, les gens s’écartaient avec soin de son passage ; et, longtemps après, ils se refusaient à franchir l’endroit, où semblaient flamber encore les traces invisibles de ses grands pieds lourds.

Ils évoquaient dans leurs lentes causeries l’incendie du presbytère, la mort de la popadia, la naissance de l’idiot ; au travers des paroles simples et naïves, on sentait pointer les aiguillons acérés de la peur ; parfois, une vieille femme se mettait à pleurer sans motif et s’en allait tout à coup ; et les autres, après avoir longtemps suivi des yeux son échine secouée par les sanglots, se séparaient en silence et sans oser se regarder.

Les enfants, reflétant l’anxiété de leurs

  1. Service funèbre qu’on célèbre généralement dans la maison du défunt.