Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/85

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— Que dis-tu ? Que dis-tu ? s’écria le colonel effaré.

Soudain, comme s’il se fût cassé, il tomba la tête sur l’épaule de son fils. Et tous deux, ils couvraient de baisers ardents, l’un, des cheveux légers, l’autre, une capote de prisonnier.

— Et moi ? demanda brusquement une voix rauque.

Ils regardèrent : la mère était debout et la tête rejetée en arrière, elle les considérait avec colère, presque avec haine.

— Qu’as-tu, mère ? demanda le colonel.

— Et moi ? répéta-t-elle en hochant la tête avec une énergie insensée. Vous vous embrassez ? Vous êtes des hommes, n’est-ce pas ? Et moi ?…

— Mère ! Et Serge se jeta dans ses bras.

Les derniers mots du colonel furent :

— Je te bénis pour la mort, Serge ! Meurs avec courage, comme un officier !

Et ils partirent… De retour dans sa cellule, Serge se coucha sur son lit de camp, le visage tourné vers le mur pour que les