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Et la jeune femme caressait l’animal, arrangeait le nœud mauve du ruban qu’elle lui avait passé autour du cou. Le singe se laissait faire, docilement, sans quitter des yeux la nouvelle venue qu’il dévisageait du haut en bas sans doute pour faire connaissance avec elle.

Gisèle et Amélie étaient deux bonnes amies, de ces inséparables, l’une brune, l’autre blonde, que l’on rencontre toujours ensemble.

Elles étaient du même monde, ou plutôt du même demi-monde. Toutes deux avaient un riche protecteur, ami officiel, à qui revenait la charge de les entretenir, charge dont chacun s’acquittait d’ailleurs fort largement.

L’ami de Gisèle, Maurice d’Étalant était un diplomate fortuné, descendant d’une vieille famille noble, appartenant à la carrière de père en fils. Quant au protecteur d’Amélie, Alfred Camus, beaucoup plus âgé, c’était un industriel retiré des affaires, ayant gagné son avoir dans la vente des engrais chimiques.

Il n’y avait pas seulement une différence physique entre les deux jolies jeunes femmes. Elles étaient aussi opposées que possible par le caractère. Amélie était aussi extravagante et romanesque que Gisèle était d’une nature tranquille et ennemie des aventures. En elle-même, Amélie maudissait le hasard et le destin qui avaient procuré à son amie un protecteur occupant dans la société une situation mondaine, alors que le sort l’avait attaché à un prosaïque et terre à-terre commerçant enrichi. Cependant, elle n’aurait pas voulu, pour rien au monde, subtiliser à Gisèle son ambassadeur, considérant comme sacré l’ami d’une camarade.

La blonde protégée de Maurice d’Étalant suppléait à l’insuffisance de celui-ci avec un jeune étudiant, nommé Gustave, qui lui procurait l’amour charnel qu’elle ne goûtait que parcimonieusement auprès du diplomate.

Amélie était, au contraire, momentanément, privée d’amant de cœur, ce qui la rendait encore un peu plus jalouse de la blonde et calme Gisèle.

Pour l’instant, l’amie d’Alfred Camus n’avait d’yeux que pour le petit singe qu’elle considérait curieusement.

— Qui t’en a fait cadeau ? demanda-t-elle.