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— Qui ? Mais Maurice, parbleu ! Il lui a été donné par le consul de France à Bornéo, d’où Bijou (je l’appelle Bijou) arrive en droite ligne.

— C’est loin ce Bornéo ?

— Oh oui ! Il paraît que c’est de l’autre côté de la Terre.

— J’aurais voulu vivre dans un pays comme ça, où il y a des singes… et des tas d’animaux bizarres.

— Pas moi. Je me trouve très bien à Paris.

— Tu n’as jamais eu l’envie de visiter des contrées éloignées ?

— Tu sais. Je préfère les voir au cinéma. Ça coûte moins cher que d’y aller et c’est moins dangereux.

— Ne me parle pas du cinéma. Chaque fois que j’y vais, je rêve toujours d’aventures extraordinaires. J’envie les personnages qui défilent à l’écran. Je voudrais connaître pour de vrai les bars de la frontière du Mexique où on se bat à coups de revolver, j’aimerais vivre dans les pays glacés où l’on voyage en traîneau et où l’on est poursuivi par les loups.

« J’aime les émotions fortes, moi ! Et jusqu’ici, je n’en ai pas eu beaucoup… Il ne m’est même jamais arrivé de voir un homme se suicider pour moi ! Ça aussi, ça m’aurait plu !

— Tu es trop romanesque. Tout ça, vois-tu, ça me laisse complètement indifférente. Pourvu que Maurice soit gentil et me paye toutes mes fantaisies, pourvu que Gustave m’aime toujours autant et ne me trompe pas, tout va bien,

— Tu as une âme de bourgeoise. Tu vis entre ton protecteur et ton amant de cœur comme une femme mariée entre son époux et le meilleur ami de celui-ci. C’est trop popote, ça !

— Et toi ? Qu’est-ce que tu fais donc de plus ?

— Rien, hélas ! et c’est ce qui me désole… Tiens, tu as encore plus de chance que moi. Ce n’est pas Alfred qui m’offrirait jamais un joli singe comme le tien.

— Pourquoi ? Demande-le-lui. Il est généreux… Il t’en payera peut-être un.

— Il peut être généreux, à son âge.

— Combien ?

— Soixante-cinq ans.