Page:Andry - Traité des aliments de carême, 1713, tome II.djvu/146

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L’Anonyme, pour faire voir qu’il n’est presque pas nécessaire de boire & de manger, se sert d’une autre preuve dont nous n’avons point encore fait mention, & qui par sa singularité, mérite plus qu’aucune d’être rapportée.

« C’est moins, dit-il[1], par le volume des alimens, que par la maniere de se placer dans nos corps & de s’y arranger, que la nourriture se fait, & tourne à profit. Pour le comprendre, continuë-t-il, imaginons que le tissu des parties qui nous composent est un assemblage d’un million de filets creux, imperceptibles aux sens, mais tous capables de se gonfler, de s’étendre, & de s’allonger. La matiere donc qui doit pénetrer & remplir ces tuïaux, qui sont d’une finesse immense, & d’une multiplicité inimaginable, doit être par conséquent d’un affinement, & d’une subtilité presque infinie. C’est donc quelque chose de moins grossier encore que la plus fine liqueur, que ce qui doit passer par des voïes si étroites, ce sera comme une vapeur trés déliée qui seule en sera capable. Or parce que l’on connoît des substances, comme l’encens & le musc, lesquelles, sous un trés-petit volume, répandent une vapeur qui remplit d’immenses espaces, on doit aussi

  1. P. 323. de la 1e édit. & p. 54. de la 2e. tom. 2.