Page:Aneau - Alector, 1560.djvu/193

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vint le plus proprement du monde, et se implanta en sa teste si naturellement que jamais depuis n’en partit.

Après cela, la Royne luy presenta le vermeil popillon de sa blanche tetine pour l’allaicter, mais il la refusa obstineement ; et comme fort instamment elle luy applicquast le bout à la bouche, il se destourna le visage et commença à braire hautement ce mot Phrygien, Beco, Beco, qu’est à dire Du pain, du pain. Adonc on luy presenta du pain, et il en mangea, et puys de la chair rostie, et il en mangea de bon appetit, et semblablement du fruyct et fromage, et beut sans difficulté laict et vin de miel. Parquoy de là en avant, il fut tousjours nourri de viandes solides, d’ond il creut et se fortifia si grand, si membru et si robuste que il amenda trois fois autant que communement font les autres enfans, tellement que à cinq ans il estoit aussi corpulent, puissant et adroict de ses membres, et autant prudent et advisé d’esprit, que s’il en eust eu quinze bien completz. Et desalors, commença à dompter chevaux, courir le cerf, enferrer le sanglier, rompre bois contre terre, escrimer, lucter, voltiger, sauter, jecter la barre et la pierre, courir l’es-