Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/111

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Je t’ai vue un instant sur le bord de la route,
Auprès de la fontaine où fleurit un laurier,
Debout dans le gazon que le soleil veloute,
De ton coude appuyée au tronc d’un olivier.


Mais ton charme infini n’est pas comme une amphore
Qui se vide durant l’espace d’un repas.
Il est comme la source abondante et sonore
Qui se verse sans cesse et ne s’épuise pas.


Je sens en moi couler son flot superbe et tendre,
Ainsi que la claire eau des monts vient inonder
Des prés qu’on voit fleurir en la voyant s’épandre ;
Et les instants pourraient aux instants succéder,


Et les longs jours pressés d’une nombreuse vie
En renaissant cortège y venir s’abreuver,
Sans que mon cœur ardent ait sa soif assouvie,
Sans que mon rêve heureux se lasse de rêver.


Laisse-moi donc, pendant que je suis auprès d’elle,
Emplir mon être entier de ta claire beauté,
Puisque l’instant à qui mon cœur sera fidèle
Doit suffire à ma vie, et qu’il va m’être ôté.