Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/141

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Pourquoi tes yeux trop froids et tes lèvres trop dures
N’ont pas, comme les leurs, de paisibles rayons ;
Pourquoi ta face a l’air de porter des blessures,
Lorsque d’autres ont l’air de porter des sillons ;


Et tu convoiteras, le long des nuits amères,
Ces retours de jeunesse et presque de candeur
Que les regards d’enfants rendent aux yeux des mères,
Et qui doivent aussi leur aller jusqu’au cœur.


Tu reverras alors la rencontre oubliée
Où l’étranger jadis, au détour du chemin,
T’avait vanté l’Amour, et t’avait suppliée
De lui donner ta vie en lui tendant ta main ;


Et sa voix, qu’aujourd’hui ton âpre orgueil élude,
Parlera d’un accord qui, longtemps jeune et beau,
Mène, par la tendresse et par la gratitude,
Les deux époux unis jusqu’au même tombeau ;


Car si l’un d’eux s’en va, l’autre possède encore
Ce qui reste de lui dans l’âme et dans les chairs
D’enfants, dont la beauté maintient, consacre, honore
Ce qu’il était avant de descendre aux Enfers.