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la vaillance que l'amour inspire en face des avenirs nébuleux, elle avait voulu être la femme de Burns, elle le pouvait. Sans doute son père violenta sa réponse ; sans doute elle ressentit ces défaillances d'énergie que donne la confusion d'une faute ; peut-être la réponse de sa voix fut-elle loin du souhait de son cœur. Elle céda pourtant , livra le papier sur lequel leurs deux noms réunissaient leurs deux existences*. L'engagement fut remis par William Armour à M. Aiken. Celui-ci le détruisit-il réellement? Il suffit que Burns l'ait cru. La destruction matérielle du contrat signifiait pour lui la rupture de la foi jurée, et que Jane se reprenait de lui, à ce qu'il croyait alors, pour jamais.

Pendant ces quelques semaines, Burns souffrit beaucoup. Cependant, tant que le papier n'était pas détruit, il y avait un lien entre Jane et lui. Quand il apprit qu'on avait découpé leurs deux noms du contrat, il en reçut un coup terrible. Il écrivait le lendemain du jour oîi il en fut informé : « A propos, le vieux M"^ Armour a persuadé à IVr Aiken de mutiler ce malheureux papier, hier. Le croiriez-vous ? Bien que je n'eusse ni un espoir, ni même un désir de la faire mienne après sa conduite , cependant, quand il me dit que les noms étaient coupés du papier, mon cœur mourut en moi ; il me coupa les veines avec cette nouvelle. Que la perdition saisisse la fausseté de cette femme ^ ». Une scène cruelle ^ : le vieux maçon, dur et vindicatif, annonçant lui-même à Burns qu'on a mutilé le contrat, lui donnant des détails, qui sait? les inventant, mentant peut-être ; et Burns, chez lequel les palpitations et les bonds du cœur étaient désordonnés, effrayants, bouleversé, défaillant, et, avec son orgueil, essayant de cacher sa torture. A partir de ce moment, il changea sa signature ; cette lettre est paraphée : « Burns » au lieu de Burness ; comme s'il voulait laisser à jamais derrière lui ce nom qu'on avait pris en vain. Il ne le reprit plus*. En même temps, pour rendre la séparation des amoureux plus définitive et éviter les scènes qui auraient pu amener une entente, le père Armour envoya sa fille à Paisley, chez un oncle, charpentierlà-bas. Toutes ces émotions, les scènes entre les deux amants, l'engagement, l'aveu de Jane chez elle, la rupture, le départ sont contenus dans quelques semaines, depuis la fin de février jusqu'à la fin de mars 1786.

Le mois d'avril 1786 est dans l'histoire de Burns un mois de torture et de démence. Lorsqu'il apprit l'abandon et la faiblesse de Jane, sa peine fut d'une véhémence inouïe, comme on pouvait l'attendre d'un

1 Lockart. Life of Burns, p. 83.

2 To John Bullanline, April 1786. y R. Chambers, tom I, p. 237-38.

4 R. Chambers, vol. I, p. 140. — Scotl Douglas, tom I, p. 293.

5 Chambers, vol. I, p. 259.