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sont si courtes, qu'on pourrait renouveler la plaisanterie qu'on faisait sur la comtesse de Galway, quand elle allait en voiture pour rendre visite à lady Minto : « Quand niylady montait dans son carrosse, les nez de ses chevaux étaient déjà à la porte de lady Minto* ». A cette heure-ci, les dames vont faire des visites ou prendre le thé chez leurs amies.

Un peu plus tard, elles vont à l'Assemblée. C'est une salle de danse que rendent nécessaire l'exiguité des logements et la difficulté de faire danser chez soi'^. Plusieurs fois par semaine, la meilleure société s'y réunit, sous la surveillance d'une vieille dame très respectable, très rigide, qui remplit les fonctions de maîtresse des cérémonies. Un cérémonial très strict règle en effet les moindres rapports des danseurs et des danseuses. Les couples n'ont pas le droit de se choisir: on met les éventails de toutes les dames dans le tricorne d'un gentilhomme, on tire au sort et chaque cavalier est pour la saison le partenaire de la dame dont il a pris l'éventail. Les places sont désignées par la dame directrice, qui siège à une extrémité de la salle sur un trône ^. Cette discipline fait d'un plaisir quelque chose de compassé et de contraint, plus près de la mélancolie que de la gaîté. Un jour le pauvre Olivier Goldsmith, qui était alors étu- diant en médecine à Edimbourg, avait voulu s'y présenter. Avec son goût d'Irlandais et de grand enfant pour les couleurs vives, il s'était fait bien resplendissant dans un costume « de satin bleu de ciel, de riche velours de Gênes noir et de drap nuance de clairet. » Il semble même que la note du tailleur n'ait pas été payée. Tout gauche dans ses beaux habits, il était allé à l'Assemblée, pensant y faire florès. Hélas ! c'était un triste spectacle. D'un côté, les dames solitairement assises; à l'autre bout, leurs partenaires pensifs. « Mais pas plus de rapport entre les sexes qu'entre deux nations en guerre ; les dames à la vérité peuvent lancer des regards, et les gentlemen pousser des soupirs ; mais un embargo est mis sur tout autre commerce plus rapproché. » Les couples désignés dansent « avec une formalité qui ressemble à du découragement». Aussi ils dansent beaucoup et ne se disent rien. Le bon Olivier n'y tint pas, il risqua une observation. « Je dis à un gentleman écossais qu'un si profond silence ressemblait à l'ancienne procession des matrones romaines en l'honneur de Cérès ; et le gentleman écossais me répondit pour ma peine, (et ma foi! je crois qu'il avait raison) que j'étais un pédant. » Le pauvre Olivier sortit le cœur gros, un peu triste, se sentant un peu ridicule dans ses habits clairs, avec cette phrase indiciblement mélancolique où est toute

1 Wilson. Réminiscences, tom I, p. 22.

2 Hugo Amot. Hislory of Edinburgh, p. 293.

3 ^'oi^ pour les règlements de ces réunions : Hugo Amot. Hislory of Edinburgh, p. 292. — Chambers. Traditions, p. 52. — "Wilson. Réminiscences, tom I, p. 62 et suivantes. — Erskine and His Times, p. 112-13, — et surtout l'amusante description de lord Cockburn, dans ses Memorials, p. 26.

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