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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/205

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son ànie : « Un homme laid et pauvre est sa propre compagnie et cette compagnie-là, le monde me la laisse goûter en abondance ^. » Avec plus de gaucherie et de naïveté, il y avait là un peu de l'envie que ce luxe devait inspirer à ce jeune paysan qui le regardait passer.

Le soir arrive. L'obscurité sort des étroites ruelles où elle s'est réfugiée pendantle jour et envahit graduellement la ville. La grande rue fait pour s'éclairer une tentative vaine ; car s'il y a plus de réverbères qu'il y a vingt ans, il n'y a pas plus d'huile ^. Les citoyens les plus graves, mar- chands, juges, avocats, professeurs, s'en vont vers les tavernes ouïes clubs, qui font partie delà vie sociale. Des caves, oii l'on sert des huîtres et de la bière noire et qu'on appelle oyster cf//ar^, s'échappe un peu de lumière et un bruit de musique ; car on y danse. « La plupart des oyster cellars ont une sorte de longue pièce, oii une société j)as trop nombreuse peut goûter l'exercice d'une danse campagnarde, au son d'un violon, d'une harpe ou d'une cornemuse ^. » Il y a vingt ans, la bonne société n'osait fréquenter ces endroits de louche réputation *. Depuis quelque temps cela est devenu à la mode, grâce à celte charmante et folle duchesse de Gordon, dont l'entrain et la hardiesse scandalisent et dont la grâce séduit la ville. Les dames de la haute société d'Edimbourg y vien- nent maintenant ^. Aussi la rue est->ille animée. Des caddies passent avec leurs lanternes en papier^, des chaises à porteurs précédées de valets qui portent une torche, et escortées de gentilhommes, l'épée dans une main et le chapeau dans l'autre, conformément à la politesse des temps '. Et les coins de ruelle ne sont pas non plus sans ces apparitions nocturnes de plaisir et de vice des grandes villes, faites pour surprendre et troubler un garçon de campagne.

Près d'un réverbère, avec son visage trisle,

Ses yeux alourdis, sa grimace aigre,

Se tient une femme qui eût pu connaître longtemps la beauté.

La Prostitution est son métier, le vice son but ;

Voyez maintenant où elle gagne son pain,

Fredonnant des chansons vicieuses pour attirer

Les suivants de la cruelle dissipation 8.

Voici dix heures ! Le tambour de la garde civique fait entendre le

1 Voir Forster. Life of Goldsuiilh.

2 Theophraslus' Letlcrs. Lettre m.

3 Hugo Arnot. Hislory of Edinburgh, Book lu, chap. u, p. 2~1. .

4 Theophraslus' Letters. Letter i — et Hugo Arnot, p. 272. ^ R. Chambers. Traditions, p. 160.

  • > SmoUett. Humphry Clinker. J. Melford, Aug. 8.

Henry Erskinc and His Times by Lieut. -Colonel Fergusson, p. 113 8 Fergusson. Auld Retkie. — Voir, sur l'augmentation de la prostitution à Edimbourg à cette époque, la lettre ii de Theoplirastus.