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Comme les souvenirs classiques ne leur manquaient pas, ils les compa- raient aux grottes de l'Averne, aux allées de l'Érèbe, aux antres du Cocyte, aux régions infernales et fuligineuses ^ Accoudés à des tables grossières, ils étaient là pour toute la soirée et souvent pour toute la nuit. C'étaient des causeries, des discussions, des chansons. Une bonho- mie, une jovialité, une camaraderie universelle faisaient le charme de ces réunions. C'était le délassement de la journée ; ces esprits graves se récréaient, prenaient leurs ébats. On buvait amicalement d'intermi- nables tournées de claret, de punch ou de whiskey.

Puis , vers les dernières heures de la nuit ou aux petites heures du jour, ils ressortaient souvent en état d'ivresse, s'en retournaient chez eux d'une marche désordonnée. « Ah ! Docteur, si vos paroissiens vous voyaient , que diraient-ils ? — Tut , homme ! ils n'en croiraient pas leurs yeux^.» C'était le D"" Webster qui rentrait chez lui. « Oîi reste John Clark ? — Mais , vous êtes John Clark lui-même ! » répond le vieux garde à qui on pose cette question. « Je ne te demande pas où est John Clark, mais oii est sa maison ». C'était, en effet, John Clark , un des premiers avocats du temps qui fut peu après nommé juge ^. « Rien n'était plus commun le matin que de rencontrer des hommes de haut rang et de dignité officielle s'en retourner chez eux en titubant , en sortant d'une ruelle de la High Street oii ils avaient passé la nuit à boire. Il n'était pas rare de voir deux ou trois des très honorables lords du Conseil et de la Session monter au tribunal le matin dans un état crapuleux ^. » Souvent , juges et avocats , en sortant de la séance, allaient souper ensemble , prolongeaient leurs potations jusqu'au jour et se levaient de table pour aller au Parlement reprendre l'affaire ^ La grande rue d'Edimbourg a certainement vu tituber la plupart des célébrités de cette époque.

Chose étrange ! Beaucoup de ces hommes étaient si solides et d'une telle résistance que leur santé n'était pas affectée par ces excès quotidiens, et que la lucidité de leur intelligence restait entière, au milieu des plus accablantes débauches^. Le célèbre avocat Hay estimait qu'il était plus propre à élucider une affaire quand il avait pris ses six bouteilles de claret, et un de ses clercs racontait qu'il lui avait dicté le meilleur de ses mémoires un jour qu'il les avait bues '^. De lord Harmand, quelqu'un qui l'avait bien connu disait « qu'aucune orgie n'avait jamais ébranlé sa santé, car il ne fut jamais malade, ni diminué son goût pour la famille et

1 R. Chambers. Traditions, p. 1*74, 183.

- R. Chambers. Traditions, p. 30.

3 Ch. Rogers. Scotland Social and Domestic, p. 36.

4 R. Chambers. Traditions o[ Edinburgh, p. 153.

^ Henry Erskine and his Times, hy lieut.-col. Alex. Fergusson, p. 162.

6 Id.

"^ R. Chambers. Traditions of Edinburgh, p. 154.