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comprendre n'importe quel auteur français en prose. Ceci fut considéré comme une sorte de prodige et, par l'entremise de Murdoch , lui procura la connaissance de plusieurs jeunes garçons d'Ayr, qui à ce moment s'exerçaient à parler français, et l'attention de quelques familles, en particulier celle du D*^ Malcolm oii la connaissance du français était une recommandation *. »

Tous les personnages de cette histoire, même ceux qui sortent à peine du second plan, sont intéressants par cette soif de savoir et l'énergie de leur travail solitaire. Voici une autre figure qui apparaît à peine et qui est bien de ce monde-là. « Observant la facilité avec laquelle il avait acquis le français, M. Robinson, le maître d'écriture établi à Ayr, et ami particulier de M. Murdoch, après avoir acquis une connaissance considé- rable du latin par son propre effort, sans l'avoir jamais appris à l'école, conseilla à Robert de faire la même tentative en lui promettant toute l'aide en son pouvoir. Conformément à cet avis, celui-ci acheta Les Rtidiments du latin, mais trouvant cette étude aride et peu intéressante, il l'abandonna peu après ' . » Ce maître d'écriture qui s'est fait par lui-même latiniste et qui veut enseigner la langue de Virgile et de Tite-Live à un petit paysan n'est pas non plus à passer sous silence.

Quant à Murdoch, après avoir continué pendant quelques années à enseigner à Ayr, il se fâcha avec le ministre de la paroisse et partit pour Londres. Il y vécut en y donnant des leçons de français aux Anglais et d'anglais aux étrangers ; il paraît qu'il eut pour élève Talleyrand. A force de volonté, il avait réussi à posséder le français assez bien pour écrire un Vocabulaire des Racines de la Langue Française ; un Essai sur la Prononciation et V Orthographe de la Langue Française. La renommée de Burns lui parvint à travers le bruit de Londres. Après une vie de peine, il arriva pauvre à la vieillesse. Les amis et les admirateurs du poète firent une souscription en sa faveur pour le retirer de l'indigence. Il mourut en 1824 à soixante-dix-sept ans, après avoir survécu vingt-huit ans à son élève favori. Il a mérité d'être uni à sa gloire, et il a droit au respect qui revient aux cœurs bons et aux vies d'honnêteté.

Il est à peu près clair, d'après la page citée plus haut, que Murdoch avait à cette époque modifié son opinion sur les deux frères. Une flamme était allumée dans Robert. Il était dès à présent facile de voir que la lueur qui se formait en lui n'était pas de même essence que chez les autres. Dans l'isolement de Mont-Oliphant dont Gilbert disait plus tard : « Rien ne pouvait être plus retiré que notre manière ordinaire de vivre à Mont-Oliphant ; nous voyions rarement quelqu'un d'autre que

Gilbert's Narrative.