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les auspices d'un bon propriétaire. Je n'ai aucunement la sotte idée d'être locataire à meilleurs termes qu'un autre. Trouver une ferme où l'on puisse vivre à peu près n'est pas facile. Je veux dire vivre simplement, on toute sobriété, comme un fermier du vieux style, en employant mon travail personnel. Les rives de la Nith sont un pays aussi doux et aussi poétique qu'aucun que j'aie jamais vu, et en outre. Monsieur, c'est simplement satisfaire les sentiments de mon propre cœur et l'opinion de mes meil- leurs amis de dire que je voudrais vous appeler mon propriétaire de préférence à tout autre gentleman terrien de ma connaissance. Voilà mes vues et mes vœux, et, de quelque façon que vous jugiez convenable de disposer de vos fermes, je serai heureux d'en prendre une à bail *.

Mais les négociations avec M Miller n'avançaient pas vite. Celui-ci ne semblait pas savoir très bien ce qu'il voulait, s'il désirait louer ses fermes et à quelles conditions. « On me dit, lui écrit Burns le 28 sep- tembre, que vous ne reviendrez pas en ville avant un mois ; pendant ce temps j'irai sûrement vous voir, car je suppose que d'ici là, vous aurez arrêté vos projets par rapporta vos fermes -. » Un mois après, il court à Dumfries comme il l'a annoncé à son futur propriétaire. Il en revient sans rien de décidé. Tout, au contraire, semble remis en question. Il forme aussitôt un autre rêve de vie ; c'est de retourner près de Gilbert, de prendre ensemble une autre ferme et de vivre à deux, un peu plus largement, un peu plus heureusement, comme ils ont vécu à Mossgiel.

J'ai été à Dumfries, et après une seconde visite, je serai décidé au sujet d'une ferme dans ce pays. Je n'ai pas beaucoup d'espoir, mais comme mon frère est un excellent fermier et est en outre un homme excessivement prudent et calme (qualités qui dans notre famille ne sont le partage que du frère cadet), je suis déterminé, si mon affaire de Dumfries échoue, à retourner en société avec lui et, en choisissant notre temps, à prendre une autre ferme dans le voisinage. Je vous assure que je m'attends à de grands compliments pour ce très prudent exemple de mon insondable, incompré- hensible sagesse '^. »

Il est vraisemblable que cet arrangement eût été la chose la plus heureuse pour lui. Matériellement, la direction de la ferme eût gagné à être entre les mains d'un homme doué des qualités de vigilance et d'assi- duité qui faisaient défaut à Burns. Et ce qui est plus important encore, celui-ci aurait eu près de lui un soutien moral et un exemple. Il aurait retrouvé dans Gilbert le frère des jeunes années, l'ami, le confident, le conseiller grave et cher, dont le silence devait être parfois un reproche et dont le dévouement était uue force. Quelque chose de l'ancienne vie, de ces glorieuses années de Mossgiel, aurait survécu dans cette associa- tion des deux frères. Il y avait tant de liens et de tendresse entre ces deux coeurs si différents, l'ardeur de l'uu eût été tempérée par la sagesse

1 To Patrick Miller, 20tli Oct. 1787.

2 To Patrick Milln, 28"^ Sep. 1787. a To Miss Chalmcrs, Nov. 18, 1787.