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elle a pris une chambre dépourvue des objets de nécessité commune ; sans personne qui la soigne et la pleure. Dans des circonstances si affligeantes, vers qui peut-elle se tourner plus naturellement, pour implorer un peu d'aide, que vers le père de son enfant, vers l'homme pour l'amour de qui elle a souffert mainte nuit triste et anxieuse, séparée du monde, sans autre compagnon que le Péché et la Solitude ? Vous avez maintenant une occasion de prouver que vous possédez réellement ces beaux senti- ments que vous avez dépeints de façon à acquérir la juste admiration de votre pays. Je suis convaincue que je n'ai besoin de rien ajouter de plus pour vous persuader d'agir comme toutes les considérations d'humanité et de gratitude doivent le dicter. Je vous fais, Monsieur, mes sincères souhaits i.

C'était là un de ces péchés qui sortaient du passé pour venir le regarder en plein visage et dont chacun racontait une histoire plus anière que son voisin. Il répondit à Clarinda que « l'histoire de la détresse de cette pauvre fille faisait pleurer du sang à son cœur ». Il la priait d'envoyer à la mourante quelques secours, en attendant qu'il arrivât lui-même à Edimbourg où il devait aller pour affaires avec Creech. « Je n'aurai pas été deux heures dans la ville, que j'aurai vu la pauvre fille et essayé ce qu'on peut faire pour la soulager. Il y a longtemps que j'aurais pris mon fils avec moi, mais elle n'a jamais voulu y consentir ». Il ajoutait qu'il irait voir Clarinda pour lui rembourser les avances qu'elle aurait faites ^.

Au moment où Burns lui annonçait sa prochaine arrivée à Edimbourg, Clarinda se trouvait justement à une crise importante de sa vie. Elle avait pris la résolution d'aller aux Indes occidentales rejoindre son mari. Au mois d'août 1790, elle avait perdu le plus jeune de ses fils ; il ne lui en restait plus qu'un, dont l'éducation la tourmentait, car ses ressources étaient faibles 3. Au mois d'août 1791, elle avait été surprise de recevoir une lettre de son mari, où il la chargeait de faire donner à leur fils la meilleure éducation, et où il l'invitait à venir le retrouvera la Jamaïque. Il ajoutait que, si elle s'y refusait, il donnerait aussitôt des ordres pour que son garçon fût envoyé à ses correspondants à Londres et reçût le reste de son éducation à l'École de Westminster ou au collège de l'Eton. C'était la séparation de la mère et de l'enfant *. La pauvre Clarinda hésita. Son hési- tation était naturelle. Il lui en coûtait d'aller reprendre, au bout du monde, la vie commune avec un homme qu'elle n'aimait pas. D'un autre côté, l'éducation de son fils dépendait de la bonne volonté du père ; si une réconciliation se faisait, c'était l'enfant qui en profiterait. « Si je pars, j'ai la terreur de la mer et celle non moindre du climat ; par dessus tout, l'horreur de retomber dans la misère, au milieu d'étrangers, et presque sans remède. Si je refuse, je dois dire à mon seul enfant (en qui

^ To Robert Burns, l^low. 1191.

2 To Mrs Mac Lehose, 23r'i Nov. 1191.

3 Memoir of Mrs Mac Lehose by fier Grandson, p. 30-31.

4 Id., p. 81,