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dans Jane. Elle resta un mois à Carlisle, allant chaque jour à la prison rendre visite à son mari. Puis elle retourna en Ecosse. Quelques mois après, il fut libéré, elle revint près de lui. Mais c'était un homme telle- ment perdu qu'une vie commune était impossible. Elle fut forcée de le quitter de nouveau et ne le revit plus, o 11 est connu, dit Chambers, auquel ces détails sont empruntés, que cette pauvre femme sans appui fut enfin entraînée dans une faute qui lui perdit le respect de la société ^ . » Elle mena pendant quelque temps une sorte de vie errante, sur les fron- tières de la mendicité, ne parvenant pas à s'élever au-dessus de la posi- tion de domestique. Elle ne cessa jamais d'être élégante de tournure et belle de visage. Vers 1825, un gentleman charitable, à qui elle avait fait connaître sa détresse, s'occupa d'elle et parla d'elle dans les journaux, dans le but de lui procurer quelques secours. La dame de ce gentleman lui ayant envoyé les coupures des journaux oîi il était question d'elle, reçut ce billet, « dans lequel, dit Chambers, nous ne pouvons nous empê- cher de penser qu'il y a quelque chose qui n'est pas indigne d'une héroïne poétique » :

« La Chloris de Burns est infiniment obligée à M'* .... pour l'aimable attention qu'elle a eue de lui envoyer les extraits de journaux ; elle est heureuse et flattée qu'on dise et qu'on fasse tant pour elle.

Ruth fut traitée par Booz avec bonté et générosité ; peut-être la Chloris de Burns pourra-t-elle avoir un bonheur semblable dans le champ des hommes de talent et de vertu 2. »

La dame la vit plusieurs fois et prit plaisir à sa conversation qui indi- quait une pénétration naturelle d'intelligence et un jeu séduisant d'esprit. Plus tard, Jane Lorimer trouva une situation comme gouvernante. Elle eut quelques années paisibles. Mais une affection de la poitrine ruina sa santé. Elle fut obligée de se retirer dans un pauvre logement, dans une des vieilles rues d'Edimbourg. Elle languit quelque temps, vivant d'un peu de secours que lui donnait son dernier maître. Elle mourut en 1831, misérable, délaissée, ignorée. Hélas ! pauvre Chloris !

A travers ces tracas, ces débauches et ces remords, la production poé- tique de Burns continuait. Chose surprenante, dans les interstices de cette vie délabrée et en ruines, partout jaillissaient des fleurs. Pendant ces quatre années de Dumfries, il a écrit plus de deux cents morceaux dont cent cinquante sont précieux. Il ne s'y trouve plus de pièces capi- tales comme Tam de Shanter ; plus même rien qui ressemble à la Sainte- Foire ou à la FmoTî; plus même de ces jolies épîtres comme à Mossgiel. Ce sont de courts morceaux, le plus souvent de petites chansons de quelques

1 R. Chambers, tom IV, p. 99.

2 R. Chambers, tom IV, p. 100.