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alouette , qui t'élances des rosées de la prairie ,

Pour avertir le berger 'que la grise aurore pointe ,

Et toi, doux mauvis, qui salues la chute de la nuit,

Cessez par pitié, ma Nannie est au loin.

Viens, Automne, si pensif, vêtu de jaune et de gris,

Et calme-moi en m'annonçant le déclin delà nature.

Le sombre et morne hiver, les farouciies tourbillons de neige

Seuls sont mes délices maintenant que Nannie est au loin *.

Dans ce mélange de nature et d'amour, il y a surtout une chose qu'il excelle à rendre. Ce sont les rendez-vous et les promenades le soir, les heures passées à deux, dans les champs, sous les ombrages complices ou les regards de la lune indulgente.

toi, reine brillante qni, sur la plaine.

Règnes au plus haut, d'un pouvoir suprême.

Souvent ton regard, nous suivant silencieusement,

Nous a observés, errant tendrement 2.

Rien dans son œuvre n'est plus exquis que ces scènes nocturnes, baignées de lumière argentée. Elles ont une grâce plus rêveuse que ses autres pièces, qui presque toujours ont quelque chose de très arrêté. Elles font penser à ces couples d'amoureux qu'on voit passer dans les champs, pendant les nuits d'été, tels que Jules Breton les a peints quelquefois. L'ombre, effaçant les précisions et les vulgarités du jour, les dégage des détails individuels ; elle les généralise, pour ainsi dire, et ne leur laisse que le charme impersonnel et la signification anoblie et symbolique des attitudes. En effaçant les lignes arrêtées et les limi^s étroites, par lesquelles la lumière emprisonne durement les objets en eux-mêmes, elle les fond davantage avec ce qui les entoure. Elle en fait des images et comme des rêves de l'Amour humain, enveloppé par la Nature. Celui- ci même, sous cette forme plus vaporeuse et dans cette attitude, s'harmo- nise avec les choses et semble une des expressions de la tiédeur des nuits. C'est un des moments favoris des poètes, et Burns en a laissé la formule dans une strophe charmante :

Que d'autres aiment les cités. Et à se montrer, à briller, dans le soleil de midi ;

Donnez-moi la vallée solitaire,

Le crépuscule baigné de rosée, la lune qui monte,

Qui resplendit, rayonne, et fait ruisseler

Sa lumière d'argent à travers les branches;

Tandis qu'avec des chutes et des appels de voix,

^ My Nannie's Aivnij.

2 Lainent, occasioned by Ike unfor lunule issue of a Friend's Amour.