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encore, lorsque semblant renoncer à l'espoir d'une réunion future, il épanche une douleur que le temps renouvelle, et pense que ce cœur dont il a été aimé se dissout maintenant en poussière silencieuse ^. Ce sont des accents qui élèvent sa gloire. Grâce à eux il a atteint au rang des plus douloureux et partant des plus divins chantres de la divine et douloureuse passion ; il est parmi ceux qui ont su aimer les mortes et saigner d'un souvenir. Les vers à Mary Campbell se sont envolés jusqu'à la sphère où chantent les élégies célestes, les canzones à Laure, le Crucifix, les Veis à Graziella 2. Il y a dans la couronne de Burns deux feuilles du laurier de Pétrarque et de Lamartine, mais deux feuilles seulement.

IL

. LA COMÉDIE DE l'aMOUR.

Nous n'en avons pas fini avec l'amour dans Burns. 11 n'en a pas représenté que la face sentimentale et poétique, mais aussi les côtés risibles, prosaïques et grotesques. Sa faculté d'observation, qui n'était gênée par aucune pensée d'harmonie littéraire dans son œuvre, s'est exercée là comme ailleurs. 11 a vu et rendu tout un aspect de la vie amoureuse, que les poètes ne perçoivent pas, ou réservent pour leurs conversations. II en a saisi les comédies aussi bien que les adorations, et il y a, dans ce chapitre, tout un coin familier, amusant, risible, tout un défilé de caractères et de scènes populaires. Après les grâces et les charmes de l'amour, voici toutes ses ruses, ses méchants tours, ses tromperies, ses calculs, ses artifices, ses situations ridicules et piteuses. Rien n'y manque. Prières de jeunes gars qui viennent le soir frapper à la fenêtre et demandent à être introduits, réflexions de fillettes qu'on veut marier à de vieux richards, conseils de vieilles commères aux jeunesses qui interrogent leur expérience des hommes et des choses, épousailles grotesques, disputes d'époux, allégresses de veufs, épisodes de toute espèce, de toute forme et de tout sel, fin, moyen et gros. Tout cela est crayonné vivement, comme une suite de caricatures prises sur le fait. C'est la comédie entière de l'amour, avec toutes ses péripéties et ses vicissitudes drolatiques. Elle

acorbe et dure pour moi ; rassurée désormais, tourne vers moi les yeux, et écoute mes soapii's.

Regarde le grand rocher d'où naît la Soigne, et tu y verras quelqu'un qui, seul au milieu des herbes et des eaux, se repaît de ton souvenir et de douleur ». [Traduction de Francisque Reynard).

1 Voir la Biographie, p. 504.

2 II est inutile de faire remarquer que la situation de Lamartine envers Graziella ressemble, à quelques égards, à celle de Burns envers Mary Campbell.