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un oiseau en lui frappant \d tête sur une pierre, ou entendre les plaintes d'un lièvre blessé, lamentables et pareilles aux cris d'un enfant. Mais il y a dans le monde animal tant de souffrances muettes que nous ignorons, tant d'êtres que leur exiguité, leur silence ou leur laideur écartent de nous ! Notre pitié ne va jamais les trouver. Combien de nous songent aux oiselets qui raidis par le froid tombent des branches, ou aux troupeaux assaillis par l'ouragan? Qui s'apitoie sur les souffrances des poissons ou des insectes? Mais Cowper, sortant pour sa promenade d'un matin d'hiver, se demande, devant la plaine ensevelie sous la neige, ce que deviennent les milliers de petits chanteurs, de petits ménestrels, pour employer son mot, qui réjouissent en été les collines et les vallées? Hélas 1, la trop longue rigueur de l'année les lue. Ils vont se blottir dans des crevasses et des trous, s'ensevelissant eux-mêmes avant que de mourir, il prend en pitié jusqu'aux corbeaux amaigris qui volètent sur les traces des voitures'. Et un peu plus loin, il écrivait ces beaux vers, comme un plaidoyer et une intercession pour les plus chétives des forces de la vie.
Je ne voudrais pas inscrire sur la liste de mes amis , (Fût-il doué de façons polies, d'un sens délicat , Mais dépourvu de sensibilité), l'homme Qui, sans nécessité, met le pied sur un ver. Un pas inadvertent peut écraser le limaçon Qui rampe, le soir, sur le chemin public ; Mais celui qui a de l'humanité, s'il le voit , Marchera à côté et laissera le reptile vivre ^.
Burns, à la même époque, rendait les mêmes idées mais avec une autre puissance de pathétique et de réalité. Pendant les nuits d'hiver, quand l'orage mugissant fait osciller les clochers, il ne peut s'empêcher de penser aux bêtes exposées dehors, même aux plus méchantes d'entre elles, à celles qui rôdent en quête de meurtres.
En écoutant les portes et les fenêtres battre ,
Je pensais aux bestiaux grelottants ,
Ou aux pauvres moutons qui supportent ces assauts
De la guerre de l'hiver,
Et sous les tourbillons de neige, enfoncés dans la boue, se pressent
Contre un pan de montagne.
Chaque oiseau sautillant, petite, pauvrette créature, Qui, dans les mois joyeux du printemps, Me donnais plaisir à t'entendre chanter,
Que deviens-tu ?
Où abrileras-tu ton aile frissonnante,
Où fermeras-tu les yeux ?
1 Cowper. The Winter Morning Walk, vers 80-95.
2 Cowper. The Winter Walk at Noon, vers 560-68.
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