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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/413

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fidélité, moins substantiel, souvent même composé d'éléments contra- dictoires. Les deux noms de Shelley et de Wordsworth se dressent au- dessus de tous. Le sentiment moderne de la Nature réside en eux , comme le soleil sur deux pics, les seuls assez hauts pour voir l'aurore et le crépuscule, et connaître le cercle entier du jour.

Pour compléter cette esquisse du- sentiment moderne de la Nature , il faudrait étudier le retentissement que ces systèmes ont sur les autres sentiments. Ceux-ci en sont affectés diversement, et toute la vie prend une teinte différente selon le ciel qu'on met au-dessus d'elle. Pour ceux qui , comme Cowper, voient surtout dans l'Univers la main et l'intervention d'un Être supérieur, c'est la pensée religieuse mêlée à tout , les moindres actes surveillés par des scrupules , parfois dans l'expression des sentiments les plus sincères, une sorte de contrainte comme de quelqu'un qui se sait observé. Pour ceux qui y voient le néant, c'est toute la vie pétrie d'un levain de désespoir ; l'angoisse que donne à toutes les joies le savoir qu'elles sont condamnées ; la détresse affreuse de songer que ces étreintes qui se jurent d'être éternelles, vont crouler en poussière ; l'amertume de sentir, dans l'amour même, l'arrière-goût de la mort. Ceux qui se réjouissent de participer à la grande vitalité communiquent à leurs passions quelque chose de leur enthousiasme panthéiste. Ils leur prêtent un caractère général, ils les font dépendre d'un instinct immense ; leur amour n'est plus qu'une parcelle de l'uni- versel désir, la partie personnelle se perd dans quelque chose de plus vaste. L'amour ainsi compris est peut-être ramené aux vraies proportions des choses ; il est dépouillé de son caractère impérieux, absolu ; il cesse d'être tout, la passion infranchissable dans laquelle un cœur est enfermé et se débat. Chez ceux enfin que la Nature pénètre de respect et de méditation, les passions humaines s'affaiblissent et s'épurent. Sa sérénité n'accepte pas leurs orages ; les âmes qu'elle forme à son image n'acceptent les émotions que tranquilles et raisonnables. Leurs chagrins aussi sont moindres, presque aussitôt sanctifiés par la même influence. Ainsi, de toutes parts, par des voies tumultueuses ou paisibles, ces systèmes abou- tissent à la petitesse de la vie humaine. Dès qu'elle se met à considérer la Nature , l'âme humaine a beau faire , elle perd de son importance , elle se néglige et s'oublie. Dans cette contemplation prodigieuse , elle sent son infime existence disparaître, goutte d'eau noyée dans l'immense balancement des mers. Pénétrée d'universel, emportée hors des réalités et loin des mesures humaines, troublée, éperdue, ivre d'enthousiasme, d'épouvante ou d'espérance , elle perd conscience d'elle-même dans son effort pour rejoindre la conscience diffuse et obscure du monde. Le battement de nos petites forces disparaît dans les larges et uniformes pulsations de l'existence infinie. « Des centaines et des centaines de pics