Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/57

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-sa- la prière du poète, près des bords où l'Ayr baise sa rive de gravier, près des cascades d'Aberfeldy, ou des bois de Craigie-Buru, sans aller, comme lui, rendre hommage à ces sanctuaires de la chanson écossaise. Il connais- sait à peu près tout ce qui avait été publié sur ce sujet. « Je vous demande la première ligne des vers, parce que, si ce sont des vers qui ont paru dans n'importe laquelle de nos collections de chansons, je les connais » *. Il n'exagérait rien lorsqu'il disait : « J'ai donné plus d'attention à toute espèce de chansons écossaises que peut-être aucune autre personne vivante ne l'a fait » ^.

A cette passion pour les vieilles chansons se mélangeait, comme un des éléments dont elle était formée, un sentiment fort vif de la musique écossaise. Musique difficile à définir, difficile même à goûter au premier abord. Par le nombre des tons, les changements constants de modulation, la quantité et la variété des cadences 3, elleproduit un effet de singularité, d'irrégularité presque barbare, qui trouble l'oreille, et la laisse en arrière déroutée. Mais, quand on vainc ce premier malaise, le charme apparaît et, avec l'accoutumance, s'accroît. Il y a dans ces mélodies étranges une union de rudesse et d'inexprimable rêverie, quelque chose de farouche et d'impétueux, en même temps que de plaintif et de très caressant. Ces expressions paraissent et disparaissent, par notes soudaines, oii la mélodie glisse avec une souplesse infinie, un instant saccadée et rauque, et tout d'un coup s'échappant fluide et limpide. Les airs les plus gais jouent dans une sorte de tristesse, et c'est une remarque très juste de Logan que « ces vieux airs, quelque lents et plaintifs qu'ils soient, peuvent générale- ment , avec un excellent effet, être convertis en une mesure rapide et dansante, et vice-versa * » ; tant le fond de cette musique consiste en une mélancolie ardente. Et toujours ce charme pénétrant s'aiguise à ce qu'elle a d'inquiétant et d'insaisissable. Pour les Écossais, ces mélodies se marient aux aspects des lieux, et portent dans les âmes toute la poésie de la patrie.

Burns avait un sens très profond de ces airs, et on verra qu'il avait saisi ce double caractère de tristesse et de vivacité qui permet l'une ou l'autre expression, par un simple changemeijt de mesure.

« Que uos airs nationaux conservent leurs traits naturels. Ils sont, je le reconnais, souvent sauvages et irréductibles aux règles modernes, mais de cette étrangeté même dépend peut-être une grande partie de leur effet ^ ».

1 To G. Thomson, 16tli, Oct. 1792-

2 Remarks on Scoilish Songs.

3 Voir V Introduction to Scottish Music, que M"" Colin Brown a placée en tête de la collection de chansons écossaises intitulée The Thistle. Notre attention a été attirée sur ce travail par un passage du Principal Shairp, dans son Essai ; Scottish Song and Burns.

4 Logan. The Scottish Gaels, tom II, p. 267.

5 To G. Thomson, April 1793.

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