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rable pour un amant parfait comme lui et sa déloyauté aurait été cruellement punie. Suivant sa romanesque biographie, il ne fut tiré de la solitude où il voulut expier sa faute que lorsque les « amants sincères et loyaux », sa « dame » et la « Cour du Puy » l’eurent pardonné. Demandons-nous donc ce que fut cette « Cour du Puy », car c’est ici une des allusions les plus formelles aux cours d’amour que nous ayons dans la littérature provençale.

Raynouard a consacré une assez longue dissertation[1] à démontrer l’existence de ces cours d’amour. Elle remonteraient aux origines de la poésie provençale, car on trouve des allusions, dit-il, chez les troubadours les plus anciens.

Raynouard a emprunté la plupart de ses preuves à l’ouvrage d’André le Chapelain (xiiie siècle) sur l’Art d’aimer. Cet écrit contient en effet un certain nombre d’arrêts prononcés par « le jugement des dames » (judicio dominarum) ; il y est question de cours d’amour qui auraient existé en Gascogne, à Narbonne, à la cour des comtesses de Champagne et des Flandres. Nostradamus en avait inventé quelques-unes de plus ; il y en aurait eu aux châteaux de Pierrefeu et de Signe, en Provence, au château de Romanin, près Saint-Remy, en Avignon. La cour de Pierrefeu était « cour planière et ouverte, pleine d’immortelles louanges, aornée de nobles dames et de chevaliers du pays ».

Avec son imagination coutumière Nostradamus a reconstitué ces tribunaux. Il nomme les dames qui

  1. Raynouard, Des Troubadours et des Cours d’amour, Paris, 1817.

    La question a été reprise depuis par Diez (Ueber die Minnehöfe, Berlin, 1825), Pio Rajna (Le Corti d’Amore, Milan, 1890), V. Crescini (Per la questione delle Corti d’Amore, Padoue, 1891).