Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/110

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satires les plus violentes contre l’amour et contre les femmes. Étrange début et qui a frappé non seulement les critiques modernes, mais aussi les troubadours contemporains de Marcabrun.

« Je suis Marcabrun, dit-il, dans une de ses chansons, le fils de dame Brune… je n’aimai jamais et ne fus jamais aimé. » Cette aversion pour l’amour fut-elle causée par des chagrins personnels ? Ou faut-il croire avec un troubadour[1] qu’un enfant trouvé, comme Marcabrun, fût incapable de sentir le charme de l’amour et fût indigne d’en goûter les joies ? Il semble qu’il y ait une autre explication plus plausible. La conception de l’amour telle que commençaient à la créer les grands troubadours, originaires du berceau de la poésie provençale (Limousin, Poitou, Saintonge) n’était pas encore unanimement admise ; et c’est une originalité littéraire qu’a voulu se donner Marcabrun de traiter le thème de l’amour dans un esprit tout opposé à celui de Guillaume de Poitiers, son prédécesseur, et surtout de Jaufre Rudel, son contemporain.

Et voici comment, à l’encontre de l’opinion de son temps, il entend l’amour. « Famine, épidémie ni guerre, ne font tant de mal sur terre comme l’amour… quand il vous verra dans la bière, son œil ne se mouillera pas. » Toute une série de comparaisons lui servent à mieux rendre sa pensée « Amour, là où il ne mord pas, lèche plus âprement qu’un chat. » « Qui fait un marché avec amour s’associe au diable ; il n’a pas besoin d’autre verge pour se faire battre ; il ne

  1. Pierre d’Auvergne, ap. Diez, L. W., p. 43. Cf. l’édition de Pierre d’Auvergne par M. Zenker, p. 190-191. Pour la suite cf. Diez, ibid., p. 44.