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encore par la conception qu’il se fait de la courtoisie. Voici en quels termes il la définit et comment il la comprend. « De courtoisie peut se vanter qui sait garder la mesure… la mesure consiste à parler gentiment et la courtoisie consiste à aimer… Ainsi l’homme sage devient supérieur et l’honnête femme croît en vertu… » Remarquons ces deux mots associés : courtoisie et mesure, ce sont des qualités dont les troubadours font souvent l’éloge dans la société de leur temps leur union fait l’honnête homme, comme on eût dit au xviie siècle.

La curieuse composition d’où nous tirons ces extraits ressemble peu, quant au fond, à la plupart des autres poésies de Marcabrun. Elle est une exception dans son œuvre ; il a surtout le tempérament d’un poète satirique ; il se distingue par la rudesse, la vigueur et la violence, plutôt que par la délicatesse et la grâce ; c’est en somme un sceptique et un pessimiste.

Cette composition est intéressante par un autre côté. Elle est adressée au troubadour Jaufre Rudel[1], qui se trouvait alors en Terre Sainte.

« Je veux que le vers et la mélodie soient envoyés à Jaufre Rudel, outre-mer ; et je veux que les Français l’entendent pour réjouir leur cœur. »

L’œuvre du doux poète auquel Marcabrun dédie sa pièce forme dans sa brièveté un contraste saisissant avec celle de notre satirique. Nous ne rappellerons pas ici la romanesque aventure dont Jaufre Rudel fut le héros et la victime, mais nous nous en

  1. Sur Jaufre Rudel, cf. Gaston Paris, Rev. hist. (cf. supra chap. ii), Carducci, Jaufre Rudel, poesia antica e moderna, 1888, Savj-Lopez, Mistica profana (in Trovatori e poeti).